Depuis quelques années, un terme est apparu pour désigner les volontaires bien intentionnés qui s’engagent dans l’aventure des projets humanitaires: le volontourisme, contraction des mots volontariat et tourisme. Le volontourisme est une activité ponctuelle, souvent de 1 à 4 semaines, fort différente des missions humanitaires et de l’aide au développement qui s’inscrivent davantage dans la durée. Il s’agit en effet d’une tendance qui connaît un succès, qui s’avère populaire, mais qui est un sujet qui se déplie de mille façons tellement les ramifications sont nombreuses.
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Est-ce qu’il existe des séjours humanitaires mieux organisés que d’autres?
Évidemment. Il devient donc impératif de vérifier la crédibilité des organisations. Si vous souhaitez partir, il faut bien se renseigner sur les valeurs de l’organisation choisie, le travail de collaboration avec une organisation partenaire locale, les formations préparatoires à recevoir, la nature du travail à faire sur place. Par ailleurs, qu’on se le répète, dans toute mission à l’étranger, il y aura des imprévus et des ajustements sur le chemin. Les volontaires doivent faire preuve inévitablement d’ouverture, avoir un bon sens de l’autonomie et du leadership..jpg)
Enseignante de français langue seconde à Las Garitas (République dominicaine) dans le cadre du Programme «Jeunes au cœur du changement» (Fondation des Jeunes pour un développement durable, Projet Samana et Junta de Vecinos Arroyo Salado) Juillet 2015
Quand j’entends : pourquoi payer pour faire du bénévolat ? Je réponds : organisez-vous en solo et il ne vous en coûtera rien. Quand j’ai été monitrice et responsable dans le cadre dans le cadre des Colonies de la paix à Kfifane au Liban, je n’ai pas sorti un dollar de mes poches, contactant directement l’organisation locale. J’ai pu aider dans les tâches quotidiennes d’encadrement en échange du gîte et du couvert.
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Mener à bien un projet est une chose, mais faire en sorte que les populations locales se l’approprient et le fassent perdurer après le départ des volontaires est une toute autre histoire. Cette durabilité du projet implique bien souvent une transmission de connaissances et d’aptitudes. Et même au sein des projets de coopération qui s’étalent sur plusieurs années, la pérennité n’est pas assurée, mais la visée demeure louable. Il faut rester conscient que parfois, c’est une expérience qu’on va vivre plutôt qu’une aide qu’on apporte. On ne révolutionne pas le monde quand on effectue un séjour solidaire à l’étranger. Il est néanmoins heureux de constater que certains mandats s'inscrivent davantage dans une ambition de développement durable.
Est-ce que les volontouristes se sentent parfois inutiles? En effet, quelquefois, le sentiment de ne pas comprendre son rôle peut surgir avec force et diminuer l’enthousiasme de départ. Les actions proposées ne répondent pas toujours à un besoin avéré et constituent un obstacle à la notion d’échanges. Entre ce que l’on souhaite, la réalité du terrain et les priorités des locaux, il peut s'insérer une forme de décalage.
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Et qu’en est-il des compétences des volontaires au regard du travail à engager?
Parfois, les volontaires ne disposent pas réellement des formations et diplômes requis par les associations humanitaires. Selon la nature des actions, il y a parfois impacts et conséquences. Par exemple, effectuer des tâches de routine dans des hôpitaux et cliniques implique davantage de compétences que produire des outils pédagogiques portant sur la protection de l'environnement. Dans les offres, il y a des mandats plus spécialisés et d’autres que je qualifierais davantage de passe-partout.Est-ce que certaines organisations multiplient leurs frais?
Parfois oui, et nous n’avons qu’à nous lancer dans la comparaison. Les sommes demandées par certaines organisations ou agences de voyage sont à mon avis excessives, parfois les montants sont convenables. Mais d’un côté, utiliser les services d’instances intermédiaires, ça se paye. La plupart des voyageurs aujourd’hui font moins d'efforts, tout doit arriver tout cuit, le fameux tout inclus, même dans le domaine du volontourisme. D'autre part, certaines fondations ou associations émettent des reçus de bienfaisance pour fins d'impôts, ce qui allège au final le montant de la facture.Quand j’entends : pourquoi payer pour faire du bénévolat ? Je réponds : organisez-vous en solo et il ne vous en coûtera rien. Quand j’ai été monitrice et responsable dans le cadre dans le cadre des Colonies de la paix à Kfifane au Liban, je n’ai pas sorti un dollar de mes poches, contactant directement l’organisation locale. J’ai pu aider dans les tâches quotidiennes d’encadrement en échange du gîte et du couvert.
Est-ce que certaines actions à l’étranger peuvent parfois nuire?
Oui, surtout quand elles entretiennent l’image du riche Blanc pourvoyeur. Cela accentue une forme de dépendance. En faisant des dons à outrance, on laisse une forme de système malsain poursuivre son cours. Chose certaine, dans le domaine du tourisme solidaire, la transmission restera toujours plus précieuse que le don..jpg)
Accompagnatrice de groupe au Guatemala dans le cadre du Programme d’immersion culturelle et d’implication communautaire du Collège André-Grasset et du Collège Laflèche (Organisation Horizon Cosmopolite) Mai & Juin 2016
Accomplir réellement quelque chose de valable : c’est quoi?
Faire la récolte de pommes de terre en hautes montagnes péruviennes pendant cinq demi-journées ne peut rivaliser avec le fait d’accompagner des enseignants communautaires béninois dans leur travail pédagogique pendant une année scolaire complète. Mais réfléchissons: qu’est-ce qu’accomplir réellement quelque chose de valable au final? Qu'est-ce qu'une intervention utile? Qu'est-ce qui est profitable et rentable? On pourrait mettre en lumière la pérennité des actions ou la nature des réels bénéficiaires, il est vrai, mais les discussions sont à mon avis interminables sur ce point.Mener à bien un projet est une chose, mais faire en sorte que les populations locales se l’approprient et le fassent perdurer après le départ des volontaires est une toute autre histoire. Cette durabilité du projet implique bien souvent une transmission de connaissances et d’aptitudes. Et même au sein des projets de coopération qui s’étalent sur plusieurs années, la pérennité n’est pas assurée, mais la visée demeure louable. Il faut rester conscient que parfois, c’est une expérience qu’on va vivre plutôt qu’une aide qu’on apporte. On ne révolutionne pas le monde quand on effectue un séjour solidaire à l’étranger. Il est néanmoins heureux de constater que certains mandats s'inscrivent davantage dans une ambition de développement durable.
Est-ce que les volontouristes se sentent parfois inutiles? En effet, quelquefois, le sentiment de ne pas comprendre son rôle peut surgir avec force et diminuer l’enthousiasme de départ. Les actions proposées ne répondent pas toujours à un besoin avéré et constituent un obstacle à la notion d’échanges. Entre ce que l’on souhaite, la réalité du terrain et les priorités des locaux, il peut s'insérer une forme de décalage.
« La vraie solidarité commence par l’humilité de reconnaître qu’on ne peut pas du jour au lendemain aller jouer les Zorro quelque part, surtout quand on ne sait rien de ce quelque part.»
- Raoul Mbog, journaliste à Slate Afrique
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Accompagnatrice de groupe à Palca dans le cadre du Programme Découverte Pérou (Organisation Horizon Cosmopolite et Brigada de Voluntarios Bolivarianos del Perú) Juillet 2010
Bref, je crois que ces expériences outremer permettent réellement à certaines personnes de se décentrer du connu et peut-être d’élargir leur regard sur le monde. À l’étranger, on est confrontés à de nouvelles réalités, visions, croyances et coutumes. Rien ne me fait davantage vibrer que m’imprégner de l’énergie des lieux qui me sont moins familiers. En découvrant ainsi le monde et la diversité des peuples qui l’habitent, on adopte un nouveau regard sur la vie. Et les apprentissages sont forcément mutuels.
Un jour, un conseiller pédagogique africain avec qui j’ai travaillé pendant plusieurs mois m’a dit : « Tout ce que tu es, ça ne s’apprend pas dans les universités. » Cela m’a rappelé avec force que ce qui survit, au terme d’un mandat, c’est souvent le développement de liens humains avec les populations visitées, bien au-delà du travail et des expertises.
Je ne suis pas de celles qui affirment que le volontourisme répond au besoin de nouveauté des voyageurs, pour se démarquer ou pour dorer leur Facebook. Je crois plutôt aux bonnes intentions et surtout au désir d’entrer en communication et de partager avec l’Autre. Dans ma vision des choses, l’enrichissement se situe à un autre niveau quand on travaille outremer. Tout prend une autre dimension. Simplement.
Bref, je crois que ces expériences outremer permettent réellement à certaines personnes de se décentrer du connu et peut-être d’élargir leur regard sur le monde. À l’étranger, on est confrontés à de nouvelles réalités, visions, croyances et coutumes. Rien ne me fait davantage vibrer que m’imprégner de l’énergie des lieux qui me sont moins familiers. En découvrant ainsi le monde et la diversité des peuples qui l’habitent, on adopte un nouveau regard sur la vie. Et les apprentissages sont forcément mutuels.
Un jour, un conseiller pédagogique africain avec qui j’ai travaillé pendant plusieurs mois m’a dit : « Tout ce que tu es, ça ne s’apprend pas dans les universités. » Cela m’a rappelé avec force que ce qui survit, au terme d’un mandat, c’est souvent le développement de liens humains avec les populations visitées, bien au-delà du travail et des expertises.
Je ne suis pas de celles qui affirment que le volontourisme répond au besoin de nouveauté des voyageurs, pour se démarquer ou pour dorer leur Facebook. Je crois plutôt aux bonnes intentions et surtout au désir d’entrer en communication et de partager avec l’Autre. Dans ma vision des choses, l’enrichissement se situe à un autre niveau quand on travaille outremer. Tout prend une autre dimension. Simplement.
Julie Ayotte
Enseignante de français, globetrotteuse invétérée, passionnée des rencontres humaines, habitée par le mouvement, elle respire la vie.