En voyage, je suis autre. Non pas que je suis une autre moi-même, mais je vibre au son de respirations différentes. Mon esprit se dévisse, fait un bris volontaire avec ma terre et se place en mode découverte. Ouvrir ses yeux sur le monde et s’éloigner du connu, c’est pour moi une ligne de vie à développer, car le voyage inévitablement nous façonne, nous habille d’une ouverture d’esprit inégalée, nous apprend à relativiser sur notre sort, renforce nos valeurs de tolérance et de bienveillance. En globetrottant, je me rends compte qu’il y a moyen de considérer la vie avec beaucoup plus de recul, de sérénité, d’indulgence.
 


Désert du Sahara, Tunisie 



Se connecter à l’humain

Nous pouvons certes explorer le monde par l’imagerie des livres ou en se plongeant dans le virtuel, mais se retrouver les deux pieds ancrés chez l’autre, avec tout ce que nous sommes, ça ébranle davantage la fibre humaine qui nous compose. Pour découvrir les vraies couleurs du monde, il faut savoir déposer ses petons ailleurs, marcher du pays et entrer en relation avec ses semblables.

Quand je réfléchis aux instants qui m’ont le plus marquée en voyage, un dénominateur commun se dégage: les gens. Sans les rencontres humaines, j’aurais sans doute beaucoup moins de souvenirs, de souvenirs marquants. Les émotions que nous vivons en voyage sont décuplées, et les gens avec qui nous les partageons deviennent rapidement des éléments importants de notre périple.

 

Grande Mosquée de Bobo-Dioulasso, Burkina Faso 


Se laisser heurter par la différence

Lorsqu’on traverse le monde, on va à la rencontre de la diversité et on risque de prendre des baffes culturelles en pleine gueule. Voyager, c’est se laisser heurter par la différence, qu’elle soit  sublime ou assommante. C’est lancer intérieurement des «Onh» ou des «Ish ». 

Les nuances du monde, c’est demander l’heure à un garçon béninois et le voir lever sa tête vers le soleil en répondant avec naturel «Il est environ midi», c’est angoisser sa vie dans une foule trop compacte au Carnaval de Jacmel, c’est avaler une Tom Yam thaïlandaise tellement pimentée qu’elle fait pleurer mes yeux, c’est prendre conscience que certains humains sur Terre ne connaissent pas la pizza, c’est pétrifier une tribu de Mangyans sur l’ile de Mindoro parce qu’on est Blancs, c’est accompagner des Péruviens qui font cuire une Pachamanca dans la terre, c’est m’abasourdir devant les Togolais qui déclarent fortuitement une journée nationale chômée parce que leur équipe joue à la Coupe du Monde, c’est constater que le ciel étoilé dans le désert du Wadi Rum n’a rien à voir avec mon ciel d’ici, c’est avaler ma salive de travers devant des écoliers africains qui reçoivent – malgré ma présence – des coups de chicotte. Oui, notre monde est rempli de « Onh » et de « Ish ».
 


Isla de San Andrés, Colombie


Mieux ailleurs, mieux ici

J’ai grandi, j’ai appris, je me suis forgée avec ce que je connais. Mais je ne me lasserai jamais de me déstabiliser en voyageant, en explorant, en bourlinguant hors nombril. Parce que l’ailleurs existe. Et que dans cet ailleurs, il y a des humains qui font les choses différemment.

À l’étranger, je bénis parfois les valeurs d’entraide évidentes des uns, j’envie l’atmosphère sans montre et sans stress des autres, je m’ébahis devant la débrouillardise des sociétés côtoyant l’extrême pauvreté. Mais ici, je chéris parfois aussi notre conscience environnementale, je salue nos mouvements d’efficacité, je dis merci à la vie d’être tombée dans un pays où règnent calme et sécurité. Éternelle oscillation entre le mieux ailleurs et le mieux ici.

Le voyage permet d’ébranler mes valeurs, d’affiner ma vision du monde, de partager un peu de ce que je suis avec d’autres communautés, de rencontrer de plein fouet la différence. Quand je me donne la chance de réaliser que la vie a d'autres saveurs que celles que je lui connais, je ne peux que désirer renouveler mon envie de sillonner le globe.

 



Volcan Poás, Costa Rica


« Partir, c’est quitter son cocon, ouvrir ses ailes et s’envoler.
C’est s’apercevoir qu’on n’est pas les seuls sur la planète, qu’on ne sait pas tout comme on le pensait. On devient plus humble, plus tolérant, un peu plus intelligent. »  
- Pierre Fillit

 


Ruinas de San Francisco,  Guatemala

Enseignante de français, globetrotteuse invétérée, passionnée des rencontres humaines, habitée par le mouvement, elle respire la vie.